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 Camp Ilvesheim
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Claude Humbert
Il habitait 1944 à Saint-Dié
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Claude Humbert
pendant une visite à Mannheim 2003 |
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Déportation
Le 8 nous sommes réveillés tôt, des voitures
équipées de radio sillonnent les rues" pour aller faire
des travaux, tous les hommes de 16 à 45 ans doivent se rendre de
suite, avec des vivres .à la caserne Chérin..... les
réfractaires seront fusillés.. !"C’est l’effroi.. dans
les rues il y a des soldats partout, impossible de fuir.. et ou ? on ne
sait pas ou sont exactement les américains.?. comment franchir
les lignes ? le piège est bien fermé et puis , il y a le
risque des représailles.. alors , la mort dans l’ame des
centaines d’hommes (900 !) se rendent à la caserne
Chérin, on y entre mais on en sort pas ! et on ne sait rien sur
la suite… Je retrouve quelques visages connus dont Jean Joliez qui
avait participé aux activités paroissiales ainsi qu’un
professeur du collège que j’aimais bien Mr Hirtz, il avait
été courageux au moment des incidents de 1936Au
début de l’après midi on nous met en rangs et,
encadrés de soldats, nous partons direction de Saales, la
colonne s’étire, s’arrête de temps en autre et nous
obliquons vers Lusse, nous y arrivons à la nuit qui tombe vite
en novembre , on nous pousse dans un tissage dont les machines sont
bien entendu arrêtées et sur lesquelles nous allons tant
bien que mal nous installer car nous sommes plusieurs centaines dans
une usine pas très grande..Et nous attendons, nous attendons,
épuisés par la marche et l’inquiétude.. Et
brusquement c’est la branle bas, les sentinelles nous poussent dehors
au passage de la porte on nous donne une boule de pain allemand et de
nouveau en route. La nuit est noire ,il tombe une petite pluie fine et
nous arrivons à la gare, nous comprenons alors pour quoi " ils "
nous ont amenés à Lusse.. |
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Un train est rangé le long du quai, il est composé de
wagons voyageurs mais anciens et en mauvais état, dans le
compartiment ou je me retrouve avec Jean la vitre est
cassée...Rien ne va très vite dans ces situations et nous
attendons encore avant que le train démarre, cahin caha, nous
montons vers Saales et descendons la vallée de la Bruche, le
jour pointe quand nous arrivons à Strasbourg, le train ralentit
mais ne s’arrête pas et nous franchissons le Rhin…..
Ou allons nous ? Nous traversons des gares que nous ne pouvons
identifier et finalement vers le fin de la matinée nous arrivons
dans une grande ville qui manifestement à reçu plusieurs
fois la visite des bombardiers, wagons éventrés, voies
retournées ,bâtiments en ruine, spectacle que nous
n’avions pas encore vu jusque la d'une telle importance mais qui nous
fait craindre le pire.. .. !Le train s’arrête au milieu de ce
décor inquiétant. Nous sommes à Karlsruhe et nous
allons attendre longtemps que le train reparte ce qui se fait enfin
dans l’après midi. C’est ainsi, que quittant enfin Karlsruhe ,
nous arrivons tardivement à Mannheim ou dans un premier temps on
nous loge des écoles ;le lendemain ce sera " la foire aux
esclaves ", des employeurs divers de la grande usine
métallurgique aux artisans boulangers ou couvreur….viendront
chercher qui quelques centaines, qui deux ou trois hommes pour
remplacer la main d’œuvre qui leur fait si cruellement défaut
après la mobilisation des dernières réserves
expédiés sur fronts de l’Est ou de l’Ouest et ou les
pertes sont énormes. |
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Arrivée à Mannheim
C’est ainsi, que quittant enfin Karlsruhe , nous arrivons tardivement
à Mannheim ou dans un premier temps on nous loge dans des
écoles.
Le lendemain ce sera " la foire aux esclaves ".Des employeurs divers de la grande usine métallurgique aux
artisans boulangers ou couvreur….viendront chercher qui quelques
centaines, qui deux ou trois hommes pour remplacer la main d’œuvre qui
leur fait si cruellement défaut après la mobilisation des
dernières réserves expédiés sur fronts de
l’Est ou de l’Ouest et ou les pertes sont énormes. |
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Dans la cour
de ce bâtiment (le Marstall de Heidelberg) la foire aux esclaves était
organisée |
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Les restes de l'usine MWM (Mannheimer
Motorenwerk) à Ilvesheim. A l'environ de ces halles se
trouvait la barraque du campment.

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Travail
forcé à l'usine Motorenwerke à Ilvesheim
Je suis quant à moi envoyé, avec Jean Joliez et quelques
autres à la" Motoren Werk" à Ilvesheim, grande banlieue
de Mannheim. Nous y retrouvons des prisonniers de guerre
Français et Russes et c’est avec deux de ceux çi que je
vais " travailler."sur une fraiseuse ! Ce grand atelier fabrique des
moteurs diesel monocylindre (la maison mère, elle construit des
moteurs de sous marins.. !) Ma tache n’est pas très
compliquée, je dois poser un vilebrequin sur la fraiseuse, le
bloquer l’amener en face des couteaux qui sont
pré-réglés, mettre en marche arrêter et
recommencer. J’observe que mes deux " coéquipiers " sont
très consciencieux et je vais avoir quelques soucis avec eux en
étant extrêmement lent ou en mettant trop souvent la
machine en panne...ce qui nécessite l’intervention du
contremaître allemand en vérité pas très
dynamique, mais qui redoute fort le chef d’atelier qui lui arbore
l’uniforme jaune des gens du parti. Par la suite ,vu mon
"incompétence et mon peu d’ardeur… " je serai affecté
à des travaux divers.. ! à la grande satisfaction de mes
coéquipier qui redoutaient mon " sabotage " !! |
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La barraque et l'alimentation
Notre petit groupe est logé dans un bâtiment
désaffecté, type baraquement, grande salle avec lits en
bois superposés, équipés de paillasse rudimentaire
et le minimum en matière sanitaire ! Il y a heureusement un
poêle et nous disposons de charbon, il va de soi qu’en cet hiver
la temperature n’est jamais excessive…
Notre camp est tout proche d’un petit restaurant, "le Krone"autrement
dit la "couronne" dont le patron est réquisitionné pour
nous nourrir grâce aux cartes d’alimentation que nous allons
recevoir et éventuellement ‘utiliser directement en
complément car nous allons aussi recevoir une solde…minime
certes mais combien utile. Notre situation matérielle est donc
vivable et sans comparaison avec celle des camps |
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Le restaurant "Krone" (Couronne), Ilvesheim |
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Les contacts avec les Allemands
Bien que surveillés nous avons une certaine liberté et
pouvons dans la journée hors boulot sortir dans le village. Ce
qui me permettra d’aller à l’église, voir à la
messe et de rencontrer avec Jean le Curé, pas Nazi mais prudent.

L'eglise catholique à Ilvesheim
Le patron du Krone, un solide et plantureux germain, l’est un peu moins
et après quelques temps d’observation, ne cachera pas à
certains d’entre nous son peu d’estime pour Hitler et sa certitude de
la proche défaite. Il aura pour nous une qualité
énorme: écouter la radio de Londres et nous donner ainsi
" sous le manteau " les nouvelles importantes.Pour la fin de
l’année 44 je n’ai rien noté de particulier si ce n’est
que pour Noël, le " Krone " qui décidément
était un brave type nous fabriqua un repas qui se voulait de
Fête, ce qui est quand même une grande tradition chez les
Allemands.
Les relations entre les déportés
J’ai noté que le 31 Déc. Mannheim avait été
bombardée, ce qui nous angoissait toujours car une bonne partie
des Déodatiens y séjournait.
Et c’est bien notre
problème, au début de notre captivité nous ne
savons rien de ce que sont devenus les nôtres ce qui est
angoissant, c’est seulement vers décembre que courra le bruit
que St Dié a été brûlée ce qui
renforcera notre inquiétude pratiquement jusqu’à notre
libération. Nos familles ne sauront rien de nous et nous ne
saurons rien d’elles.. !Il se crée vite des habitudes…le
travail, de jour ou de nuit dure, les recherches pour se nourrir, se
nettoyer, l’entretien du camp et…les alertes qui vont devenir de plus
en plus oppressantes. Les discussions avec les uns et les autres sur le
présent et le devenir ? Dans l’ensemble le climat est assez
tendu, comme les relations ce qui s’explique facilement par
l’hétérogénéité du groupe quant aux
ages et aux milieux sociaux, le seul dominateur commun étant la
trouille du lendemain!
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Les maladies
Les ruptures sont assurées par des événements
exceptionnels par exemple ,un jour la désinfection du camp et de
ses occupants.. ! Il est en effet vite apparu que nous avions tous des
" parasites " surtout en fonction de l’état des lieux. Les
Allemands qui par nature sont propres ne pouvaient supporter une
situation qui risque d’être : contaminent.. !
Un matin arrive un camion benne, dans lequel on nous presse de monter
et en route pour les environs de Mannheim ou on nous décharge
dans un vieil établissement ou sont installés des
stérilisateurs horizontaux…. et , la suite est simple : tous
à poil.. les vêtements dans les stérilisateurs et
les bonhommes sous la douche. .et dans la tenue d’Adam attente la fin
de la stérilisation..…pauvres vêtements.. ! Mais pendant
que nous nous amusions( ?) ainsi une équipe des services
sanitaires s’occupait du camp, outre la disparition heureuse des
paillasses, elle utilisait un produit désinfectant dont l’odeur
abominable nous collera au corps pendant des semaines. Mais nous
n’aurons plus de poux.. !
Nous avions eu en effet un hiver très rude et dans les
conditions de travail et de logement ou nous étions nos
organismes avaient plus ou moins souffert du froid, des courants d’air,
de l’humidité et autre.Le 7 Déc. en effet, je
m’étais réveillé avec une forte douleur à
la face coté gauche et une bonne température. Le chef du
lager avait accepté que je reste au camp et que j’aille voir le
médecin du village. Ce dernier, qui n’était plus un gamin
et ne devait pas être trop du parti.. ! diagnostiqua une sinusite
maxillaire et me fit aussi tôt un arrêt de travail.. ! Il
me prescrivit des " rayons ? " que devait me faire son
infirmière, qui elle était très jeune… !
J’ai noté dans mon agenda: "curieuse infirmière que
veut elle?".
Comme mon état ne s’améliorait pas malgré ses
soins le bon médecin décida de m’envoyer à
Heidelberg, ville universitaire toute proche, ce fut bien sur une
expédition. J’y ai eu un examen radiologique qui dura trois
heures à cause des alertes et d’une panne de courant.
J’ai du reprendre un peu le travail…
Le 10 janvier je refaisais une sérieuse crise de sinusite et le
bon médecin décidait de me renvoyer de nouveau à
Heidelberg, mais c’est seulement le 17 que je pus m’y rendre. Au vu de
la radio le médecin n’hésita pas : brève
anesthésie locale, ouverture du sinus par la narine, avec un
trocart creux raccordé aussi tôt sur un tuyau et lavage
énergique du sinus..(c’est comme si je m’y trouvais encore… !)
Je ne risque pas d’oublier cet épisode car depuis, les
manifestations de cette sinusite ne m’ont jamais quitté.
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Les bombardements
Autre rupture : les déplacements d’utilité ou services
à Mannheim , pas toujours agréables : cette grande ville
est le siége d’une activité industrielle variée et
capitale pour l’effort de guerre….c’est dire que l’aviation
alliée le sait, les alertes quotidiennes que nous avons à
Ilvesheim sont liées aux visites des bombardiers qui traitent
d’ailleurs toute la région. Les destructions sont
énormes et ne concernent pas que les usines.. !
Heureusement pour la population civile les Allemands, avec la main
d’œuvre importée, ont construit d’énormes abris ; le
Bunker qui résistent jusqu’alors aux plus grosses bombes. Mais
il faut dire aussi qu’il vaut mieux ne pas être la quand elles
tombent, car les places sont réservées en priorité
aux femmes et aux enfants du pays.
Nous avons été tolérés une ou deux fois
dans l’entrée réservée aux étrangers...
Un bombardement crée une situation absolument affolante : le
bruit assourdissant des explosions, le tremblement de la terre, le
claquement des tirs de la F L A K (la D.C.A.).
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Dans les premiers temps j’ai assisté à la
désintégration d’un bombardier qui avait
été touché, c’est terrible, les occupants
descendaient en parachute et l’un d’eux est tombé " tous
prés de nous dans un secteur ou ils restaient quelques arbres,
vite dégagé de son pépin il s’est adossé
à l’un d’eux et dégainant son colt a immédiatement
fait feu sur les soldats qui accouraient pour le prendre, le malheureux
en est mort, c’était un noir.. il savait que les Nazis , racistes, ne leur faisaient pas de quartier. Ce drame m’est
resté à l’esprit sûrement aussi pour toujours.
Le 1er mars eut lieu le plus grand bombardement que la zone
Mannheim-Ludwighafen ait connu : en fin de matinée l’alerte est
donnée et sans discontinuer, vagues après vagues les
bombardiers dans un fracas gigantesque déversement des milliers
de bombes de toutes natures, incendiaires, explosives, fusantes et ce
jusqu’au environ de 16 h., la fumée est telle qu’il fait
quasiment nuit…Nous avons suivi cette événement d’assez loin, dans la cour de notre usine forcément
arrêtée. De cela aussi je me souviens pour toujours.Les
allemands avec leur opiniâtreté coutumière nous
employèrent ainsi à creuser des tranchées et
à construire de nouveaux abris, pourtant la situation se
dégradait puisque en plus nous avions la visite fréquente
des patrouilles de la chasse américaine dont les bases se rapprochaient. |
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Le mois dernier
Nous allions vers la fin de l’hiver et de notre captivité avec,
bien sur, des sentiments partagés d’impatience et de
crainte.Pour ma part l’approche d’une météo plus
clémente me convenait fort bien. Nous accumulions ainsi les
expériences de toutes natures qui pour certaines furent
très touchantes.
Ainsi un jour à la messe quant après
l’élévation, j’ai repris mon livre, j’ai découvert
dedans une carte d’alimentation…J’ai su quelque temps après
qu’elle y avait été glissée par une personne qui
allait prendre ensuite de grands risques pour nous aider. Tous ces
faits se doivent d’être connus et reconnus. Car ils
témoignent bien de la" réalité" de la population allemande.
Revenons à ce début mars:
L’ambiance ressemble de plus en plus à ce que nous avons connu
en octobre 1944 : les Allemands perçoivent l’approche de "
l’ennemi " ils savent que la contre offensive de leurs troupes dans les
Ardennes a échouée.
Le 14 Mars c’est " Le Krone " qui nous apprend que les
Américains ont franchi le Rhin en prenant le pont de
Rémagen bien en aval de notre secteur (ce qui veut dire que, si
le franchissement est réalisé aussi en amont, nous allons
à un encerclement…certain..)
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Cette perspective fait monter la tension chez nos geôliers et
nous vaut par exemple un contrôle du camp par la Polizei,

Les
anciens bâtiments de l'usine MWM à Ilvesheim
Les activités de l’usine sont dérisoires et on parle de
plus en plus de repli..??
Et nous retrouvons dans cette circonstance la personne qui m’avait
glissé une carte d’alimentation, elle s’était
manifestée discrètement par la suite et nous avait fait
comprendre qu’en cas de difficultés nous pourrions - Jean Joliez
et moi - nous réfugier chez elle.
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La Libération |
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Effectivement vers le 20 mars on commence à entendre
sérieusement la canonnade et les survols à basse altitude
se multiplient…comme les passages de réfugiés partant
vers l’Est...
Le 24 nos gardiens nous ordonnent de faire rapidement nos bagages et
nous devons nous mettre en route…Nous sommes heureusement très
mal encadrés, quelques réservistes…La colonne
s’étire, mélangée à des civils qui partent
on ne sait ou.. A un endroit encore proche du village le fossé
est assez profond et nous nous y glissons discrètement…
Jean et moi nous avons gardé avec nous Maurice, un jeune que
nous avions un peu pris en charge depuis notre arrivée à Ilvesheim. Après avoir observé ce qui se passait sur la
route, nous sortons de notre cachette et "courageusement" nous prenons
les chemins qui peuvent nous mener chez Melle Hubert. Il y a une telle
pagaille que nous ne rencontrons pas difficulté, ceux que nous
croisons sont trop préoccupés par les " bruits de la
guerre " qui approche pour s’intéresser à nous. Notre
protectrice nous accueille avec gentillesse mais sans nous cacher ses
inquiétudes.. sa maison est déjà pleine…elle nous
fait donc descendre directement à la cave ou nous devons
être discrets au cas ou.. !
Nous passons la nuit sur le tas de charbon Dehors il a de l’agitation
et…dans la maison aussi. Dans la matinée Mlle
Hubert nous apportera quelques vivres et nous incitera encore à
la prudence.. : son frère , officier de S.S. est de passage.. !
La journée s’étire dans une attente anxieuse.. on entend
très clairement les bruits d’une bataille toute proche et
également un curieux son d’un moteur #genre tondeuse# qui va et
qui vient et qui nous intrigue, ? mais…pas question de mettre le nez
dehors..A la nuit, à l’occasion d’une accalmie, notre hôte
nous fait monter au grenier, dans les soupentes.. Les allées et
venues de son frère la préoccupent et elle pense que nous
serons mieux cacher la haut….Nous sommes donc le dimanche 25 mars,
anniversaire de Marie Thérèse elle a 4 ans que
deviennent-ils la bas à St. Dié ? Nous sommes dans notre grenier, sans rien
voir, soumis seulement aux bruits extérieurs.
Dans la journée une très forte explosion qui fait
trembler la maison nous indique qu’un des ponts sur le Neckar a du
sauter… et toujours les va et vient de la "tondeuse " ??.Nous allons
passer la journée et la nuit dans une ambiance lourde, la
cohabitation devient difficile…La journée du lundi ressemblera
à la précédente avec encore un peu plus de tension
et deux nouvelles explosions qui laissent à penser que tous les
ponts sont détruits nous devons être dans une île
entre le Neckar et son canal latéral.. ?La nuit est relativement calme..
Tôt le matin Mlle Hubert vient nous voir, elle nous indique que
les autres occupants sont partis ainsi que son frère qu’elle
mème va se rendre à un Bunker puisqu’elle est
infirmière et que dés que nous entendrons la
sirène ,nous descendions à la cave. Nous nous
exécutons. Rapidement; dehors les mitrailleuses
crépitent, des grenades éclatent, la bataille est
engagée…tout prés. En arrivant dans la cave nous nous
apercevons que nous avons, dans la précipitation, oubliée
les bougies que nous a données Melle Hubert, nous remontons donc
pour, les chercher, en arrivant au premier étage nous voyons le
sol couvert de gravats.. Levant les yeux nous constatons que le mur du
grenier est complètement éclaté.. L’emplacement ou
nous étions quelques moments plus tôt est criblé de
trous…. : Une mitrailleuse lourde a pris en enfilade les parties hautes
des maisons pour éliminer tout tireur qui aurait pu y être
caché… Nous découvrons ainsi les techniques militaires
des américains…..et le risque fatal que nous avons couru.. Bien
sûr nous regagnons la cave, au plus vite, les jambes molles…
Et l’attente se poursuit, vers le début de l’après midi,
les bruits du combat s’éloignent et des voix se font entendre :
ennemi ou ami ? nous tendons les oreilles.. !et Jean qui a de bonnes
connaissances en anglais reconnaît cette langue…nous ouvrons
prudemment le soupirail et découvrons …des soldats qui ne sont
plus " gris vert ".
Nous sortons de notre cachette et …sommes aussitôt mis en joue ;une fois encore il faut lever les bras… !!Jean bien sur s’efforce
d’expliquer que nous sommes des French-menn, S’ils baissent leurs armes
nos libérateurs restent très prudents, arrive un officier
qui parle un peu notre langue, ça va beaucoup mieux. Nous
indiquons que nous avons laissé nos bagages dans la cave et
souhaitons les chercher. Un seul est autorisé, il me
désigne ainsi qu’un soldat pour m’accompagner, ce dernier
gentiment sort colt, me le met dans le dos et me fait signe de
descendre dans la cave…je sors ainsi nos équipements. ! tout de
méme un peu stressé.
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Les américains nous
emmènent avec eux...
Nous sommes LIBRES.
Les yeux ébahis nous découvrons
l’armée américaines en campagne et en premier lieu la
fameuse " tondeuse " dont le bruit nous avait intrigués….. :
c’est le Piper d’observation, avion à ailes hautes,
équipé d’un moteur ultra léger et qui se pose
n’importe ou . C’est l’auxiliaire très précieux des
troupes au sol, nous en aurons très rapidement la
démonstration. Des rafales d’armes automatiques crépitent
encore ici et la et nos libérateurs nous conduisent avec eux
à l’abri. A notre stupéfaction nous observons que
quasiment toutes les maisons sont ornées de.. drapeaux blancs
confectionnés avec tout ce que les occupants avaient sous la
main...Signe de la rédition !!!A l’école ou nous sommes conduits, nous retrouvons d’autres Déodatiens et nous nous
installons tous dans la cave ou nous passerons la nuit sur des
civières.. ( C ‘est plus confortable qu’un tas de charbon..)
nous dormirons mal et peu ; J’ai écrit dans mon agenda : " on ne
peut réaliser notre Liberté.. ".
Nous sommes toujours dans la zone des opérations et dans la
matinée nous voyons les Américains se déployer
pour poursuivre leur progression, ce qu’ils font avec une grande minutie, tout à coup on entend un départ, le sifflement
de l’obus et son éclatement, de loin nous apercevons qu’un
soldat a été touché, aussitôt tous se replient.. Et c’est le silence soudain troublé par le
ronronnement de la " tondeuse " Le piper apparaît, fait un tour
au-dessus de nous et repart.. Quelques minutes après ce sont des
obus qui passent et vont anéantir un canon allemand de 88 qui
avait eu la malencontreuse idée de tirer sur le village..
Cet épisode passé nos libérateurs poursuivirent
leur progression sans rencontrer apparemment beaucoup de
résistance et nous découvrions alors avec
ébahissement le " le gros " de l’armée avec ses jeeps,
ses dodges, ses GMC, ses bulldozers et autres engins, avec les
réserves de chars, auto mitrailleuses etc.. Inimaginable, pour
nous qui avons encore à l’esprit l’équipement apparent de
nos troupes en 1940. Bref nous étions en 1945 et, enfin libres
ou presque.Et tout d’un coup nous éprouvons un sentiment
d’isolement.. nos geôliers ont disparus ,les habitants se terrent, les unités américaines poursuivent leur avance
et n’ont laissé que de faibles éléments de
surveillance qui ont peu de préoccupations pour tous les "
étrangers " qui apparaissent on ne sait d’ou !.Enfin les :Allemands se manifestent : prudemment…puis chaleureusement et en cette
soirée du vendredi saint.. Nous coucherons dans des lits avec
des draps et si nous passerons à l’église pour remercier
le ciel, je ne crois pas que nous ayons fait " maigre "... !
Les habitants se montrent soudain bavards avec les Français..
par contre ils ont (surtout les femmes..)une peur épouvantable
des " Schwarze ".Les noirs américains ont en effet une
réputation de violeur inculquée par le racisme nazi.Aucun
allemand n’a été nazi.. bien sur ! la preuve ils vont se
précipiter dans les locaux du parti , vont tout y saccager et piller. Ce qui nous surprend quand mème un peu pour ce peuple si
habituellement discipliné.. ! Nous nous contenterons de quelques
insignes souvenirs et pour ma part d’un " Mein Kampf " officiel
dédicacé,, selon l’usage à de jeunes mariés
qui d’évidence l’avait abandonné.. ! Ce document qui est
vraiment une pièce d’histoire a été ,hélas,
en partie détériorée par une fuite d’eau dans le
grenier de la rue Bernier à Angers en 1980.
Le 31 Mars nous profitons de notre liberté et de
l’éloignement des combats pour explorer notre " île ",visiter notre ancienne usine :la Motoren Werk abandonnée, voir
les ponts anéantis et ceux qui les remplacent déjà
du type " Belley " . Surtout nous retrouvons Melle Hubert,
l’infirmière si courageuse, à laquelle nous devons tant.
Nous sommes impatients de savoir ce qui se passe à St Dié
et d’y retourner. Le jour de Pâques, 1er avril, j’ai écrit
dans mon agenda : " messe pascale, hélas pas en famille, c’est dur.. "Comme souvent quand on est confronté à des
situations difficiles on se bat avec détermination, et puis, le
risque parti on reste soudainement désemparé,
c’était mon cas. Ma foi et mes convictions m’avaient
aidé à faire face positivement, à soutenir mes
deux copains de misère et d’un coup c’était le vide..! Mais en ce dimanche de fête, la sérénité
revint vite : Jean était allé consulter les
autorités militaires U.S. et avait appris que nous devions
être transférés le lendemain. Alors chez le " Krone
" ce fut une dernière rencontre qui fut t rès
arrosée et qui se termina fort tard… (prémisse de la
réconciliation ??)
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