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Rafle à Raon
Quand on est parti, j’avais 16 ans et demi.
Cela s’est passé drôlement. Mes parents habitaient une rue
plus haut, et il y a eu des obus qui sont tombés sur la maison
de mes parents et j’avais une charette. J’allais chercher des tuiles
chez des voisins pour boucher les trous sur le toit. Et c’est
là que les Allemands m’ont arrêté,
j’étais...
J’avais un pull..., c’est tout, pas de manteau. J’ai
poussé la charette au bord de la route, et puis ils m’ont
emmené. On était tous réuni à
l’Arsénal, une maison grande

Carte d'identité de Marcel
Clément 1944
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Transport
à Heidelberg
J’ai suivi le même circuit, Cirey etc. Les parents n’ont rien su,
j’ai parti comme ça. Et puis alors... je me rappelle bien du
bombardement de Mannheim à 11h du matin le 11 novembre, cela
m’avait frappé. Pendant le voyage on avait eu deux petits bouts
de pains par jour, c’était tout.On a traversé Mannheim ,
c’est là que j’ai vu Mannheim un tas de pierre de deux
mètres d’hauteur. Et puis des grands truques: „Siegt
für uns!“J’ai venu comme tout le monde à Heidelberg, et
comme à l’époque je n’avais pas de
spécialité, donc je suis resté à des
derniers pour être pris pour aller travailler.
Travail
dans
l'usine Fuchs
Alors donc je suis tombé à Kirchheim à la
Waggonfabrik. Et mon travail consistait à l’époque...:
Les Allemands faisaient de grosses tourelles en beton, au milieu on
posait des quadruples mitrailleuses. Alors ils m’amenaient la
mitrailleuse...et alors je boulonnait le pied de la mitrailleuse...
Il y avait des Russes aussi qui travaillaient avec moi à l’usine.
Q: Pas des Allemands?
Non. Alors, il y avait le chef d’équipe allemand. Dans un coin
il donnait sa gamelle de midi, ce qui restait, un petit peu...
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Le camp dans l'école ancienne
("Alte Schule")
Et j’ai souffert, qu‘on était à Kirchheim.
Le dortoir était une salle de classe, avec des Français,
il n’avait que de gens d’ici, de Raon. Et alors à
l’époque je n’avais pas 17 ans, c’étaient des qui avaient
50ans, 55 ans, je les prenait pour des vieux comme mes parents.
On était à une pièce à peu près...,
on était 40 à peu près, 40-45 dans des
châlits à trois lits. Moi j’ai souffert de leur
promiscuité. J’ai rattrappé la galle et les poux. Et il y
avait un robinet pour se laver pour 40. Un robinet!
Aussi ce qui était malheureux : Vous savez quand vous avec
16, 17 ans vous mangez bien: On n’avait pas manger, pas à
manger. On se débrouillait un peu pour avoir de pommes de terre
pour les faire cuir en les collant sur le fourneau.
Enfin j’ai souffert aussi parce que je n’avais pas d’habit, je n’avais
rien, c’est l’hiver. Moi je pleurais parce que j’avais
froid et j’ai eu faim.
On était dans une pièce, on n‘était pas
enfermé... Le soir ils commandaient: „Licht aus!“
Cela, ça m‘a marquait pour la vie, pour la suite.
Q: Et vous étiez le plus jeune?
Ah non, il y avait de plus jeunes comme moi.
Se débrouiller
On
allait voler dans les boulangeries, avec Picard. A
l’époque il ne fallait pas de lumière. Alors on
attendait dans la boulangerie jusqu’il n’y avait plus personne et tout
le monde était sorti, la boulangère était
entrée dans son appartement, je ne sais pas où. On se
précipitait à deux, et il y avait un qui rentrait, puis
à l’interieur, il y avait des caches au-dessus qui cachaient
à l’entrée...Et il y avait l’un qui barbottait du pain,
il attendait, l’autre, il demandait du pain, alors il le payait et on
sortait tous les deux.
Essai de
se sauver
Q :
D’après ce document vous étiez échappé, il
y a le mot sur votre carte: « flüchtig »
Oui, on
s’avait
sauvé. On était quatre, on s’est sauvé la veille
de Noel, on avait profité de ces jours de fête. On a
été pris par la milice française. On était
déjà en France, oui. Mais je ne sais pas où on a
été…C’étaient trois, quatre jours en route. On
couchait dans les silos de betterave, dans des granges. On a
été pris parce qu’on couchait dans la nuit dans des
petits baraques de jardin... et bien on a été pris par la
milice.
Mais cela s’a
bien
arrangé parce qu’on nous n’a pas fait prisonnier pas du tout. On
est rentré au travail, il n’y avait rien de tout.
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"Alte Schule ", l'école ancienne de
Kirchheim: aujourd'hui dans le bâtiment se trouve un
musée communal. Mais comme il semble il n'y a aucun signe du
séjour des Vosgiens.
Bon, enfin,
je vous le répète, moi,
ça m’a armé pour ma vie, ça m’a donné. Le
temps à Heidelberg était un temps fort pour ma vie,
j‘étais jeune..., trés, trés fort même, ma
famille, je ne’savais pas ce qu’elle était devenue, si elle
était bombardée ici. Je pleurais souvent le soir dans mon
lit...C’était un temps fort, très fort. Quand on est
rentré j’étais incapable de coucher dans un lit normal.
On a couché sur des châlits de bois, à la fois les
paillasses, ce n’était plus rien... Au début les
paillassses étaient comme ça, mais à la fin tout
ce, c’était de la poussière.La nuit on aurait cru des
bestiaux dans la pièce, ça ronflait de toutes les
côtés...c’était infernal. Le matin il n’avait pas
de café, pas de petit dejeuner, il n’y avait rien, rien du tout.
Et pas le soir . Il y avait le repas de midi... des boulets de viandes
dans une espèce de soupe, c’est tout.
Q:C’était une soupe à midi?
C’était une soupe à midi, et le soir pas rien...
Q: Est-ce que vous avez eu des contacts avec des Allemands de Kirchheim?
Non, pas de contacts là-bas, non pas beaucoup.
Q: On n’allait pas se promener?
Non. On sortait un peu de la ville pour aller dans les fermes pour
avoir des pommes de terre..., mais pas souvent, pas souvent.
Q: Vos n‘êtes pas allé à Heidelberg...
En dernier, oui, on allait manger des „Stammgericht“.
Q: Vous avez reçu de l’argent?
Pas beaucoup, pas beaucoup, pratiquement rien. Des habits un peu, une
fois ou deux, des colis, un peu d’argent, mais pas beaucoup. Je me
rappelle: On avait un salaire qui permettait d’acheter de pain. On
avait à l’époque du pain noir et du pain blanc qu’on
mangeait le dimanche.
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La
déportation
J’habitais à
Raon
à ce moment là. Nous étions dans les caves et les
Allemands sont venus dans la cave et nous ont amenés dans une
maison qui était plus bas, l’ancien arsenal qui est juste
à la route de la vallé de Celles. Et là
j’étais avec un camarade qui connaissait bien la maison. Alors
il m’avait dit : « On va se cacher dans la
cave ! » Et puis les Allemands ont embarqué nos
collègues dans des camions là. La fin est arrivé,
mais malheureusement ils nous ont trouvés dans la cachette dans
la cave. Et de la on a dû partir à pied jusque Celles sur
Plaine. On était seulement une partie parce que les autres
étaient partis en camion.
On arrivait à Celles sur Plaine et les hommes de Celles
apportaient à manger…
On est parti
directement en direction de Badonviller, à pied. A Badonviller
on a eu stocké dans la cave à l’école. Il n’y
avait rien de tout, aucune chaise, aucune possibilité à
coucher, rien de tout. Et là il y avait un Alsacien qui
était interprète et ils ont libéré quelques
jeunes qui n’avaient pas l’age de 16 ans. Moi, j’avais 20 ans.
Donc de là le lendemain matin on est parti en direction de
Cirey, c’était un grand groupe, on était tous
rassemblé là. Arrivé à Cirey c’était
pareille, on était parqué dans une cave. Et puis
après le lendemain on est reparti, et là on a
été bombardé au bord de la route par des obus.
Jusqu’à
Heming où il y avait un train, on est monté dans le train
et puis nous sommes partis en direction de l’Allemagne.
Le camp
"Alte
Schule Kirchheim"
Au départ on était parqué dans une école.
Mais je suis pas resté longtemps là. Parce qu’ils
m’avaient demandé, ils avaient vu que j’avais quelques
connaissance de méchanique et ils m’ont affecté avec un
chauffeur au camion. Et là j’était avec des anciens
prisonniers libres qui étaient à l’interieur de l’usine.
Il y avait des grandes halles… et je suis resté là
jusqu’après Noel. Parce que je me souviens d’avoir passé
un Noel très froid. On n’avait pas de chauffage et
c’étaient uniquement des verres qui étaient
au-dessus là. C’était une halle qui a été
transformé pour les prisonniers libres. Au départ pour
les prisonniers normaux et puis après ceux qui étaient
là étaient devenus libres.
Q : Pouvez-vous encore raconter quelque chose de cette
école où vous étiez d’abord ?
La situation était tout à fait prècaire. Il y
avait certains qui avaient un peu de paillasse. Moi j’étais
là-haut --- il y avait des paillasses de paille. On a eu aussi
une épidémie de poux et on n’avait rien pour se
débrouiller. Il y avait juste uniquement un peu d’eau de temps
en temps.Il y avait un robinet mais quand elle passait il ne restait
plus grande chose.C’étaient des lits en étage au bois.
Aussi comme j’étais en baraque de prisonnier plus tard
c’étaient de lits de trois étages.
Q: Mais les
baraques étaient plus luxurieux que cette école ?
Ah oui, dans les baraques c’était mieux, plus de place aussi.
Dans cette école je ne suis pas resté long temps. Il n’y
avait pas de place, une salle pour les uns et les autres. On
était très reserré.
Deux
autres camps
t
après ils
ont montés des baraques pour nous pas loin de l’usine aussi dans
la ville de Kirchheim. Et de là on était dans des
baraques, c’étaient des baraques nouvelles. On les pouvait
chauffer quand on avait quelque chose…, on ramenait un peu de charbon
den l’usine. Et même on allait à la forêt pour faire
du bois pour le ramener aussi. J’étais bien, moi avec le
chauffeur [un Allemand] quand je travaillais avec. Il m’amenait pour
faire du bois avec lui dans la forêt, alors il ramenait ça
pour chauffer. Le bois c’était en principe pour lui mais il nous
laissait repartir avec du bois. 
Derniers
restes de l'usine Fuchs (usine de wagons)
L'alimentation,
les vêtements
midi on
était dans la cantine, on avait la cantine à l’usine. Oh
ce n’était pas copieux, il y avait des choux, une soupe.
Après on a touché des « Marken »,
des tiquets. Ce n’était pas beaucoup, mais il y avait une
boulangerie qui nous donnait un peu plus de ce pain que normalement on
aurait dû avoir avec ces tiquets. Le dimanche on s’a fait le
repas à la baraque, les jours qu’on a travaillé le midi
on était dans la cantine. Les soir on se faisait ce qu’on avait,
le matin pareille. Une espèce de soupe, dans la baraque, on le
se faisait même.
Q : Et
les
vêtements ?
On avait les vêtements avec lequels on est parti, on a recu des
« Holzschuh » et autrement, moi j’avais un
pardessus. Et j’ai fait tout et tout le temps avec ce pardessus.
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Arrivée
à Heidelberg
Et je me
rappelle
bien que c’était le 11 novembre, c’est une fête nationale
chez nous, le train était bloqué sur le pont entre
Ludwigshafen et Mannheim parce qu’il y avait un
« Fliegeralarm » là et on est resté
sur le pont là pendant l’alarme.
Après
on est
parti à l’université de Heidelberg.
Q :
Est-ce que
vous avez su le but du voyage? Les Allemands n’ont rien dit ?
Non, non. Ils
ne
parlaient même pas avec tous... Moi, j’avais appris l’allemand,
le « hochdeutsch », bien sûr ils parlaient
le platt.
C’étaient de la Wehrmacht, mais il y avait parmi eux au
départ ce qu’on a vu là il y avait la SA,
avec noire sur la poitrine là. C’étaient des SA comme on
nous disait.
On
était
donc enfermé à l’université de Heidelberg… ou l’on
était sur le sol, quelquuns avaient de la paille mais la plupart
- , on était même sur le sol. C’était une grande
salle, c’était à gauche à l’entrée de
l’université.
Après
moi j’ai été affecté à la
Fuchs-Waggonfabrik à Kirchheim.

L'école ancienne avant la guerre.
Pendant l'hivers 1944 /45 c'était le camp "Alte Schule" des
Vosgiens
Le
travail comme chauffeur
J'aidait un
Allemand qui était chauffeur .Alors avec lui j’avec l’occasion
de voir Mannheim parce que avec le camion on est parti chercher des
bouteilles de gaz et là on a été mitraillé
sur l’ »Autobahn ». On a laissé le camion
et s’est sauvé dans les champs parce qu’ils avaient piqué
l’autoroute. Et après on a réussi a remettre le camion en
route et on est retourné à Kirchheim.
Le
travail dans l'usine
Q : Vous avez travaillé tout le temps à la
Waggonfabrik?
C’est-à-dire..., le camion est tombé en panne, on a
commencé de le démonter pour le réparer, mais on
n’a jamais eu les piéces. Et puis j’ai travaillé à
l’usine, aux wagons. On enlevait les gros roux là pour les
passer dans les tours. Il y avait beaucoup de soudeurs à
l’arc électrique. Nous, on n’avait jamais eu -, en travaillant
à côté on n’avait pas des masques, il n’y avait
rien de tout pour les yeux. Et après quelques temps, deux, trois
jours ont endormait là. C’était comme du sâble
qu’on avait dans les yeux, en l’effet des éclats de la
soudure éléctrique. C’était dur, il fallait
travailler quand même.
Et autrement
à cet endroit, un moment que j’étais la, il y a un qui me
dit : « Hamarole ! » Et moi j’avais
parlé un peu hochdeutsch, j’ai dit : « Ich hab
nicht verstanden! »
En
hochdeutsch on
dit: „Hammer“, mais il disait :
« Hammarole » [= apporte le marteau !].
C’était le platt, ils ne connaissaient pas le hocheutsch. Je
parlais et il ne le comprenait pas, il ne comprenait pas le hochdeutsch.
Et autrement
aussi
on était embarqué une fois pour aller déblayer
Bruchsal. Le matin ils nous ont dit : « Prenez à
manger ! » On a pris ce qu’on avait, on est parti de
bonne heure dans le train jusqu’à Bruchsal. Et la
première fois on n’a pas réussi aller jusqu’à
Bruchsal, il y avait de la fumée, tout était
démoli. On n’a pas pu approcher jusqu’à la ville. Alors
on est resté près du train et a regardé
là. Le soir on est rentré, et puis le lendemain on est
reparti.
C’était bien une semaine je pense. Alors on
déblayait Bruchsal, mais nous, on descendait en contre voie
à la gare de Bruchsal et on se sauvait dans la forêt toute
la journée. Et à midi on enlevait les bérets pour
aller à la soupe populaire. Parce que pour les bombardemant
il y avait la soupe populaire pour les gens. Mais je --Un Allemand qui
était méchant qui nous expulsait de la soupe. La plupart
nous laissait, mais on a vu des Allemands,, pour nous faire partir, ils disaient : « Raus,
raus ! », parce qu’ils ne voulaient pas qu’on
profitait justement de la soupe là.
Autrement avec ces prisonniers on arriva à se débrouiller
à droite et à gauche pour manger. Ce que nous arrivait
souvent c’est de manger le « Stammgericht »,
c’était un repas sans ticket pour ordonner. C’était
du chou surtout, des choux rouges et tout ça.
Avec ce prisonniers libres j’étais tout seul, pas d’autres
Vosgiens. Il y en avait des hommes de Saint-Dié aussi.
Mais eux (- les prisonniers libres -), ils étaient bien
organisés, ils connaissaient très bien les – Allemands.
Iils se débrouillaient très bien en allemand. Cela les
permettait d’avoir des contacts et plus de possibilités comme
nous.
Ce n’était pas facile au commencement, mais en partir comme
j’étais ensemble avec les prisonniers libres cela m’a
donné des facilités parce qu’ils étaient bien
intégrés. Il y en avait même quelques-uns qui
avaient de femmes allemandes. C’est incroyable mais ils étaient
très bien là-bas. Ils avaient de l’argent, ils
étaient vraiement hors de temps de guerre…
Q : C’était combien ?
Oh, c’était bien une cinquantaine de prisonniers, de tous les
coins de la France…
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